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Photo du rédacteurStéphane Méjanès

Le wagyu de Christophe Hay

Petit-fils d’éleveurs laitiers, fils de boucher et de cantinière, Christophe Hay, doublement étoilé à Fleur de Loire, à Blois, a toujours gardé les pieds sur terre et les mains dedans. Dès qu’il a pu, il a cultivé ses légumes, ses herbes et ses agrumes. Il est même allé plus loin, élevant désormais ses propres bêtes à viande. Et pas n’importe quelles bêtes. Du wagyu, madame, monsieur, doudou ultime du carnivore non-flexitarien par sa capacité à produire à foison du gras intramusculaire et de l’acide oléique, riche en oméga-3, offrant une texture fondante et un goût unique. On n’en trouve qu’au restaurant et un peu dans la boutique de l’hôtel & spa membre de l'association Relais&Châteaux (et pour les membres du Club, le temps d'une mise en avant en mars 2024).


Les boeufs japonais (wagyu) de Christophe Hay à la Ferme du Soleil (photo : Jenni Johnson)


Littéralement, « wagyu » signifie « bovin japonais ». Défenseur d’une agriculture locale, chantre de son terroir, Christophe Hay n’y voit aucun paradoxe. « Les animaux sont nés en Sologne, ils sont bien d’ici. » Le chef a en effet acquis 37 têtes en 2018 auprès d’un éleveur voisin. Une évidence et un hommage. Après avoir fait fondre au palais son premier morceau de wagyu, Christophe avait ressenti une émotion inédite. « Si j’avais pu en mettre entre les mains de mon père boucher, disparu trop tôt, il aurait été comme un dingue. » Va pour le wagyu, donc, plutôt que la Maine Anjou, ou Rouge des Près, la race du cru. Confiées à Nicolas et Charlie Praizelin, en leur Ferme du Soleil (et pas seulement levant) à Segré, près d’Angers, les bêtes sont aujourd’hui au nombre de 80. Christophe achète des paillettes de sperme congelé, du 100 % wagyu, les femelles sont inséminées et la vie fait le reste. On est proche du travail de Philippe Prévost à la Ferme Kamaklé.


Christophe Hay, chef 2 étoiles et éleveur de wagyu (photo : Jenni Johnson)


NIPPON NI MAUVAIS


La génétique est primordiale au pays du wagyu. Après la levée de l’interdiction de consommer de la viande de quadrupède par l’empereur Meiji, en 1872, on a effectué divers croisements avec des bovins étrangers, pour figer la race en quatre groupes : noir (l’originelle), brun et polled (sans corne) en 1944, shorthorn (cornes courtes) en 1957. le label Beef Japan fait foi et des fiches de pedigree suivent les animaux au long de leur vie, consultables en ligne par le grand public, à partir d’un numéro d’identification figurant sur les emballages.


DOUCEUR ANGEVINE


Notons que la vie d’un wagyu en Anjou n’est pas celle d’un bœuf à Kobe. Au Pays du Soleil Levant, où l’on cherche la marbrure ultime, on les élève un peu mieux que des porcs en batterie, ce sont des trésors nationaux, mais ils ne voient jamais le ciel ni les champs, reçoivent des rations étudiées pour favoriser la formation du gras, et sont abattus en moyenne à 24 mois. Il n’y a quasiment aucun élevage de plein air et, ceux qui tentent le coup sont regardés avec mépris. « Ça n’est pas ça, le wagyu », nous a confié le patron de la ferme Toriyama, à Gunma. Il n’a pas plus de respect pour tous les wagyu élevés hors des frontières de l’archipel, qui n’atteindront jamais les standards japonais.


Chez Nicolas et Charlie, par ailleurs cultivateurs de céréales bio, on s’en moque pas mal, le bien-être animal passe avant tout. Les wagyu de Christophe broutent l’herbe des prairies aux beaux jours et se nourrissent de foin et de céréales produites sur la ferme le reste du temps. Ça dure 24 mois avant que l’on ne passe à la phase de finition, celle de l’engraissement. Celle-ci se passe cette fois en stabulation mais dans un grand hangar, à deux maximum par boxes, et dure entre 12 et 14 mois, contre 3 ou 4 mois pour la finition d’un bovin lambda, voire aucune finition pour le tout-venant des animaux de boucherie, envoyés à l’abattoir le plus vite possible, le temps c’est de l’argent. En finition, dans la ferme du Soleil, la ration est composée d’abord d’un tiers d’un aliment à base de lin et de deux tiers d’un mélange de céréales concassées, féverole, pois, orge, avoine, triticale et maïs. On inverse la proportion les 3 ou 4 derniers mois. Cette durée d’élevage, le coût de l’alimentation et de l’entretien explique le prix du wagyu, généralement entre 300 et 400 € le kilo en France. On apprécie d’autant plus cette pépite.



Tristan en reportage à la Ferme du Soleil (prise de vue et montage : Jenni Johnson)

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