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Le vinaigre balsamique de cidre d'Emmanuel Camut

Dernière mise à jour : 24 févr.

(texte originel de Mathilde Lasserre actualisé)


Il y a vingt ans, Emmanuel Camut découvre le véritable vinaigre balsamique traditionnel en Italie.

« Mais attention, le vrai : rien à voir avec celui de merde qu’on trouve partout en grande surface ! »

Le garçon n'a pas la langue dans sa poche. Il décide de se lancer dans une recette toute personnelle… à base de cidre. Il chauffe d'abord le moût pour le réduire, plutôt trois fois qu'une, dans des pots en cuivre sur feu doux au bois. Puis, viennent les deux fermentations, alcooliques et acétiques se chevauchant un temps et, comme à Modène, le vieillissement de 12 ans minimum, selon la méthode Solera (ou réserve perpétuelle) qui consiste à prélever une partie du vinaigre du dernier fût, le plus petit, et refaire le niveau avec le vinaigre des fûts précédents, et ainsi de suite. Chacun de ses vinaigres balsamiques de cidre contient donc une part de vinaigre ayant vieilli en fût jusqu’à 12 ans. Alain Passard lui-même a succombé.


Emmanuel Camut dans son antre (photo : Tristan Laffontas)


TOMBÉ DANS LES POMMES


« On peut faire du vinaigre avec tous les fruits… du moment qu’il y a du sucre ! » explique Emmanuel ! Néanmoins, s’il troque le raisin contre la pomme, ce n’est pas (que) par amour du challenge. Dans la famille Camut, on fait du calvados depuis plusieurs générations : Adrien, le grand-père, fut d’ailleurs l’un des premiers à élever le breuvage au rang des eaux-de-vie nobles. « Le calvados, on continue de le produire comme lui : de la façon la plus naturelle et biologique possible. Dans notre verger, il n’y a ni pesticides, ni engrais artificiel ; dans notre calvados, il n’y a pas de sulfites. Un produit sain pour l’humain qui le produit, pour les animaux aux alentours et pour les consommateurs. »


Pomme de l'un des vergers d'Emmanuel Camut (photo : Mathilde Lasserre)


Comme dans tout ce qu’il entreprend, Emmanuel privilégie la qualité à la productivité. La fabrication de son vinaigre balsamique de cidre ne fera pas exception. Comme pour son calvados, Emmanuel veut choisir les meilleures variétés de pommes… qui ne sont pas forcément celles affichant le meilleur rendement, ni les plus sucrées. « Pour leur moût, les italiens utilisent une variété de raisins (principalement lambrusco et trebbiano bianco, ndlr) qui font 17% de sucres alors qu’ici les pommes n’en produisent que 5%. » Il faudra donc 3 fois plus de concentration : pendant des mois, Emmanuel se rend en Italie pour observer le processus et joue au petit chimiste.


“Au début, je me suis arraché les cheveux… c’est peut-être pour ça que je n’en ai plus !”

DIX ANS D'EXPÉRIMENTATIONS


Indéniablement, pour faire du vinaigre balsamique, il faut être patient : il lui faudra par exemple presque huit ans pour arriver au premier résultat probant, celui qui fait lâcher un « Eurêka, c’est ça ! » salvateur. Il faut être résilient aussi : après presque dix ans « d’expérimentations », Emmanuel perd un fût de 150 litres en route... si près du but ! Enfin, pour produire du vinaigre balsamique, il ne faut pas être cupide : il y a dix-huit ans, lorsqu’il a démarré cette activité - en parallèle du calvados - Emmanuel protégeait jalousement son idée. D’autres ont essayé de se lancer en effet… pour bien vite renoncer. La matière première (une tonne de pommes permet d’obtenir seulement 70 litres de jus), l’investissement financier et personnel ont eu raison de leur motivation. Mais Emmanuel est comme son vinaigre balsamique : unique et atypique.


Pot en cuivre pour la réduction du moût de pomme (photo : Tristan Laffontas)

Après tant d’années, la flamme est intacte quand il s’agit de décrire les fermentations et le passionnant travail des levures. Il a beau être normand, Emmanuel ne compte pas sur ce vinaigre pour faire son beurre. « Même si je ne le vends jamais, je me serais beaucoup amusé », affirme t-il tout en se désolant d'une société actuelle où « seul l’argent compte » et où, de fait, les véritables vinaigres balsamiques ne représentent plus que 0,01% de leur catégorie.

Toujours optimiste, il souligne qu’il peut bien vendre à perte, il a gagné une reconnaissance qui n’a pas de prix : Alain Passard lui-même utilise son vinaigre dans sa cuisine. Par ailleurs, depuis six ans, Emmanuel s’est lancé dans un nouveau projet : son propre rhum. Il fait venir des mélasses de Martinique, qu’il dilue avant de l’envoyer en fermentation puis en distillation. Encore un produit 100% naturel, comme son cidre, son vin de pomme (pas tout à fait un pommeau) et même son whisky.


La méthode Solera en action (photo : Tristan Laffontas)

Les autres producteurs mis en avant ce mois-ci :

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